• ..en "situation" de handicap ? Vraiment ?

     

    Bien que réécrit et reformulé, le texte qui suit n’est pas de moi mais traduit en beaucoup de choses ce que JE pense du sujet énoncé.

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    Peut-on donner une définition à la fois complète, non-discriminante et juste ? Le handicap est une différence visible ou non, physique ou psychologique, définitivement acquise, dont l’origine est objectivement établie (génétique, accidentelle ou pathologique), et qui rend celui qui le « porte » inapte à certaines tâches sociales communément assumées.

     

    Dans le regard commun le handicap marque l’individu dans sa différence. Cette réduction comporte un enjeu : elle a pour effet de délimiter une rassurante normalité. Étiqueté, soigneusement confiné dans sa catégorie, ce qui est étranger n’est plus menaçant. La société moderne s’est bien construite contre les handicapés (mais aussi contre les fous, les vieux, les pauvres…), et cette logique d’exclusion n’est pas près de faiblir, au contraire.

     

    Avec le handicap, rien ne va de soi, tout est long et compliqué, il faut batailler et inventer sans cesse des adaptations, tant techniques qu’institutionnelles ; il faut savoir lutter avec une détermination sans faille contre les protocoles de tous ordres qui vous prennent toujours en défaut. Monter des dossiers, remplir des questionnaires, rédiger des projets de vie, affronter plusieurs administrations, mdph, caf, mairie, leurs serveurs vocaux, leurs employés anonymes et indifférents. Et il faut de l’argent : car toutes les adaptations inédites sont coûteuses et définitivement non rentables.

     

    Le handicap, c’est ce qu’on ne peut pas éluder. A l’heure où règnent le fantasme et le droit au confort. Le handicap est ce qui fait barrage. Le handicap est un rappel à l’ordre du corps et aux limites de la condition humaine.

    Autour de la personne handicapée, il y a nécessairement d’autres personnes, celles qui portent, parents et professionnels : intrication obligée. Entendons-nous bien : Non, ces gens n’accompagnent pas au sens où ils marcheraient à côté, mais ils partagent bel et bien le handicap, parce que dans cette proximité on devient un peu handicapé soi-même, entravé dans sa liberté de mouvement.

    ..en "situation" de handicap ? Vraiment ?

    De ce point de vue, la nouvelle appellation à la mode « en situation de handicap » devrait en toute logique s’étendre à l’entourage, ce qui aurait le mérite d’estomper de congédier un impossible individualisme. Pourquoi ne pas avoir gardé le terme de handicapé ? La requalification officielle se justifie généralement du respect dû à la personne. Il s’agirait de ne pas stigmatiser, ne pas réduire l’identité à une simple caractéristique ; Les seniors pour les vieux, les non-voyants pour les aveugles, etc. La liste des « sans » est longue (sans domicile fixe, sans emploi, sans-papiers…). On voit bien que ces expressions ne modifient en rien le réel des situations, mais seulement la perception qu’on en a, ou plutôt qu’il faut en avoir. Ces euphémismes sont de purs représentants idéologiques qui vont indiquer le rapport que la société entretient avec certains de ses membres. Pourtant, il faut bien nommer cette réalité, car elle exige une adaptation sociale. Ce n’est pas un choix, une option, c’est une nécessité. Dès lors, le handicap est bien une question politique, pour autant que le politique n’est pas seulement asservi au réel économique.

     

    Pour le politique donc, il n’y a plus de handicapés, mais des « personnes en situation de handicap ». Que penser de cette périphrase affectée ? Incontestablement, le handicap est affaire de situation, c’est-à-dire qu’il est déterminé par l’environnement pratique et psychosocial. Le handicap est un donné variable, selon les adaptations existantes : un paraplégique devient socialement handicapé s’il ne peut pas prendre le métro, mais il n’est « que paraplégique » s’il dispose d’un véhicule adapté et d’un droit spécifique de circulation. On est donc plus ou moins « en situation de handicap ».

     

    Pour ceux qui vivent quotidiennement le handicap, plusieurs questions se posent : la nouvelle étiquette permet-elle de diffuser cette vision conjoncturelle du handicap ? Est-ce bien son but ? A vouloir décrire une réalité, la périphrase la manque ou la simplifie dangereusement. Ici par exemple, elle fait oublier que le handicap est aussi constitutif. À ce compte-là, tout le monde est, à un moment ou à un autre, « en situation de handicap ». Certes, il faut saluer les efforts du politique. En France, le handicap est relativement « pris en charge ». Le handicap s’identifie d’abord médicalement, ensuite sur les plans social et fonctionnel, à travers une enquête sur les capacités et la dépendance corollaire ; il se quantifie alors en pourcentage, pour peu que l’on ait les moyens socio-intellectuels de monter des dossiers et de suivre toutes les étapes protocolaires. Cette évaluation est importante : d’une part, elle conditionne les aides allouées, matérielles, structurelles ou humaines, et financières ; d’autre part, elle a un effet symbolique : elle est reconnaissance, par la société, d’une charge particulière. Donc, si l’on veut réellement réduire le handicap, il faut bien commencer par l’établir, et ne pas se trouver sans cesse en devoir de le démontrer.

    ..en "situation" de handicap ? Vraiment ?

    Or c’est très exactement ce qui se met en place. La nouvelle appellation et les procédures qui l’ont accompagnée, incitent à une réévaluation constante du handicap. Dans les faits, l’institutionnalisation a permis une déresponsabilisation des acteurs qui ne sont pas au contact des handicapés, et entraîné une dilution des aides comme une réduction des droits.

     

    En réalité, cette requalification obligée expose un malaise. Qui sont-ils à la fin ces pas normaux, et qu’en fait-on ? On prétend vouloir dé-stigmatiser, mais on utilise comme levier le nom. Il en fut ainsi pour d’autres catégories : « nègre », puis « noir », puis « de couleur » ou « d’origine africaine », et le plus récent « issu de la diversité ».

    Comme pour les handicapés, on observe une tendance à la rallonge périphrastique, à la neutralisation lexicale, et le déplacement de l’identification : de la personne elle-même à sa situation. Ce faisant, ce que l’on empêche, c’est la constitution d’un groupe social stable et reconnu. C’est d’autant plus facile que les handicapés ont certainement autre chose à faire. Survivre, par exemple…

     

    Retranscrit et reformulé par Franck Schweitzer  -  à partir d’un article sur ©internet

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