billets d'humeur personnels
FAKE ne signifie pas « faux » mais « truqué » ; une fake-news a pour intention de mystifier celui qui l’a lit.
Interprétation dans d’autres langues du terme « fake »
En italien > imposture
En espagnol > simulacre, copie
En polonais > imitation
En chinois > camouflage, falsifié, masqué, supposé
En yiddish > tromperie, canular
La fake-news se présente toujours comme une information véridique ; elle repose généralement sur le mélange du factuel et de l’invérifiable, ce qui la rend particulièrement toxique. Un document authentique peut être utilisé de façon détourné dans le but d’induire le public en erreur. La fake-news sert à semer la confusion depuis le camp des démagogues et des escrocs. Elles ont acquis une visibilité grâce aux réseaux sociaux et à leurs algorithmes.
Le journalisme s’est toujours battu pour imposer le respect des faits avant celui des idées ou des croyances. Disons-le franchement ce combat devient inégal, tandis que les ailes du camp de la désinformation n’ont cessé de pousser. Jamais une intox n’avait eu autant de chances de prendre sa place et de devenir virale en un claquement de doigts, tant les réseaux sociaux sont devenus des tunnels de l’info ; le mensonge y voyagerait six fois plus vite qu’une vérité. Certains groupes ou même des états ont intérêt à en jouer pour nous déstabiliser (la Russie, la Chine…)
La tâche du journalisme n’est pas facile dans un espace toujours plus limité, il nous faut vider chaque jour un océan d’inepties en si peu de caractères ; en face les fake news ne rendent jamais les armes et quand ils sont pris la main dans le sac ils crient au mépris des élites, à la revanche du système…
La mort de Lady Di, Balavoine, Coluche ne seraient pas accidentelles ;
Michael Jackson est toujours vivant ;
La terre est plate ;
L’homme n’a jamais marché sur la lune ,
Il y a une puce dans le vaccin anti-covid pour manipuler le cerveau ;
Etc etc
Aucune preuve ne transperce les œillères qu’on décide de porter. Lutter contre les fake-news c’est frapper l’eau de son épée. Le combat contre les fake-news est d’abord un combat contre la servitude volontaire c’est-à-dire contre l’envie d’y croire. L’adversaire n’est pas celui qui se trompe mais celui qui demande à être trompé. Combattre les fake-news c’est attaquer la partie de nous-même qui choisit de ne voir que ce qu’elle souhaite. Bref c’est à l’école et dans l’enfance que ce combat se mène, dans la seule enceinte où l’on vous dissuade d’avoir des préjugés.
David Colon, professeur à sciences-po Paris ; spécialiste en histoire de la propagande et techniques de communication persuasive, chercheur au CHSP. Morceaux choisis de l’interview qu’il a accordé à franc-tireur :
« on a la possibilité en démocratie de mal user de la liberté dont on dispose. Mais cela ne doit pas nous faire négliger le mauvais usage de cette liberté par des Etats (la Russie, la Chine) qui ont pour intention de détruire notre démocratie. »
« pour les régimes autoritaires, les médias sociaux ont d’abord constitué un défi existentiel, une menace pour la pérennité de leur pouvoir. Ce qui a conduit certains d’entre eux à les suspendre mais aussi à d’autres dictatures à les instrumentaliser, les exploiter. C’est le cas de la Chine (elle interdit et exploite) et aussi de la Syrie. »
« dans le cas de la dissémination de fausses informations sur les réseaux sociaux, il y a trois attitudes à adopter : 1/ ne rien faire ; 2/ en criminaliser les contenus ; 3/ réguler le mode de dissémination et tenir les médias sociaux pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire restreindre la possibilité mécanique offerte à des comptes de diffuser des contenus à des centaines de millions d’utilisateurs, on a bien brider les moteurs des voitures sans interdire les automobilistes de la liberté de conduire. »
_____________________
Franck Schweitzer à partir d'articles du hors série fake news / franc-tireur automne 2023